Le portrait de Margaret Nightingale

Nom : Margaret Nightingale
Date de naissance : le 14 novembre 1893
Lieu de naissance : Camden, New Jersey
Profession : Journaliste

Née à Camden dans un New Jersey prospère durant l’essor industriel, Margaret reçut la plus stricte éducation qu’un père directeur d’école puisse offrir. L’homme atypique s’imposa néanmoins comme socle solide dans la construction de la jeune femme ; notamment en véhiculant idées et valeurs bien trop « modernes » pour la société bien-pensante d’alors. Qu’il s’agisse de ségrégations raciales, de droit des femmes, d’avancées sociales, ou de religion… M. Henry Nightingale ne faisait pas l’unanimité au risque de s’attirer des problèmes. Ce qui ne manqua hélas pas d’arriver.

C’est ainsi que père et fille partagèrent un intérêt non feint pour les « aventures de Mrs Nellie Bly » alias Elizabeth Jane Cochrane*. Féministe, pionnière dans le reportage clandestin, et qui dévoila nombre de faits sordides. Des conditions de travail dans les usines aux mauvais traitements subis par les patientes de l’asile Blackwells Island Hospital, rien ne semblait effrayer cette tête brûlée qui réussit à insuffler des changements radicaux dans ces milieux. Mieux encore, un tour du monde en soixante-douze jours pour battre Philéas Fogg !

Nellie Bly devint un modèle à suivre pour la jeune fille qui lui vouait, et lui voue toujours, une indéfectible admiration. Etait-ce pour combler l’absence d’une mère soudainement disparue sans laisser de trace ? Nul ne saurait le dire. Fait anodin ou curieux, la disparition coïncida très exactement avec l’internement d’une certaine Adélia Merkley dans un asile du Massachusetts. 

La route était donc toute tracée pour Margaret qui débuta en tant que pigiste au Camden Democrat. L’émergence d’une presse féminine lui permit également d’aiguiser sa plume dans quelques périodiques. Toutefois, le fait d’être cantonnée à des articles tous plus superficiels les uns que les autres, selon sa propre opinion et alors qu’elle rêvait de voir le monde, engendra une forte déception lorsque la première guerre mondiale éclata. Elle, qui voulait devenir correspondante, constata à quel point il était difficile d’être prise au sérieux. Si la chance souriait aux audacieuses : c’est la lumière de New York qui semblait influer sur les flamboyantes carrières que connurent un certain nombre de femmes journalistes. Un jour, elle irait là-bas.

En attendant, avec le succès des pulps qui s’intensifiait, lui vint la cocasse idée d’exploiter son intérêt pour tout ce qui touchait à l’occulte et au paranormal. Margaret s’associa donc à un connaisseur en la matière : Jonas Meredith. Ce dernier évoquait d’ailleurs souvent l’âge d’or d’un magazine spécialisé désormais introuvable en kiosque. Le duo s’exerça donc dans les enquêtes dites « de mystères » pour notamment lever le voile sur nombre de supercheries, mettant ainsi à mal le business de quelques charlatans.

Officiant sous le pseudonyme de Verity Jane : les deux enquêteurs de l’impossible condensèrent leurs aventures sous forme de feuilletons en usant souvent d’un ton décalé, glissant çà et là quelques critiques acerbes sur la société. Les publications trouvèrent leur public au sein de gazettes mineures, dont et toujours la presse féminine. 

Si un heureux hasard avait permis alors à Margaret et son comparse d’embarquer pour la Belgique, ne doutons pas qu’ils se seraient penchés sur l’affaire des « Anges de Mons ». Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, ils élargirent leurs investigations à Boston et New York tandis que la guerre sonnait son tocsin final. Bien entendu, auraient-ils pu envisager la Louisiane pour désacraliser le vaudou, ou sillonner l’Amérique du sud à la recherche de la Llorona, mais les finances empêchaient de voir les choses en grand.

Dans ces villes, couraient souvent des rumeurs à propos d’artistes maudits, ou ayant pactisé avec le diable. Des créateurs d’univers sordides où l’inhumain s’exhibait de manière outrancière tant par les mots que par des toiles, où le grotesque et le monstrueux côtoyaient le merveilleux parfois réincarné en beauté virginale, mais non moins vénéneuse. La musique n’était pas non plus en reste. Bien au contraire !  Découvrir le monde des artistes fut passionnant, mais côtoyer des gens tantôt imbus d’eux-mêmes, tantôt torturés ou hallucinés, mit fin à l’enquête. Avec elle, un ralentissement des futures investigations dans l’occulte et les pseudosciences, car Margaret avait saisi une opportunité qui ne se refusait pas : travailler au Metropolitan Telegram !

Son nouveau cheval de bataille : l’immigration des européens aux Etats-Unis, de leur intégration à leurs conditions de vie, tout comme de leur impact sur la politique tant d’un point de vue historique qu’actuel. Sujet notamment inspiré par le succès de Henry Ford. Apprenant par ailleurs que sa famille du côté maternel est irlandaise, et après moult recherches, qu’une tante encore en vie est internée dans le Massachusetts, Margaret renouera avec ses racines et s’intéressera davantage à la généalogie. Dès lors, suivront plusieurs visites à Adélia Merkley, ainsi que des échanges épistolaires.

L’histoire aurait pu s’arrêter là s’il n’y avait eu la guerre d’indépendance irlandaise. Nous sommes en juillet 1921 lorsqu’un télégramme annonce une trêve. Reportant son mariage avec Jonas Meredith, et profitant que les deux camps aient accepté un cessez-le-feu : la journaliste se propose comme correspondante sur place, avec pour objectif officieux de rallier Bloomskeard dans le comté d’Antrim afin d’en apprendre plus sur ses aïeux. L’espoir de peut-être trouver une explication satisfaisante à la disparition de sa mère n’y est sans doute pas étranger. Un mois plus tard, après une traversée de plusieurs jours, le paquebot accoste enfin à Belfast…